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Le blog de choc de Jordan !


Traffic de Steven Soderbergh

Publié par Jordan sur 16 Juin 2014, 14:23pm

Traffic de Steven Soderbergh

Ce titre a une valeur programmatique qui se décline à plusieurs niveaux de signification : c’est le sujet du film mais aussi son esthétique narrative, et enfin, peut-être, une certaine idée du cinéma.


Film à thème, Traffic entreprend d’évoquer le monde de la drogue à tous les niveaux (trafiquants, consommateurs, polices et politiciens) et des deux côtés de la frontière américano-mexicaine. Plus que de trafics c’est ici de guerres contre la drogue qu’il s’agit et les trois récits que contient le film se nouent chacun sur le mode agonistique. L’habileté du scénario et la beauté de la chose étant qu’au bout du compte chacun se bat moins contre la drogue que pour la survie des siens, le film à thème évitant une première fois de basculer dans le film à thèse. Le juge américain (Michael Douglas) nommé au poste de " Monsieur drogue " finira par démissionner pour prendre soin de sa fille droguée, Helena, tandis que la femme de la haute (Catherine Zeta-Jones) qui découvre en son mari un trafiquant de drogue le jour où il est jeté en prison, se transformera en Lady Macbeth pour assurer la survie de sa famille. Quant à Javier (Benicio Del Toro), le policier mexicain, s’il prend finalement parti contre les trafiquants, c’est pour venger son coéquipier et obtenir un terrain de base-ball pour les enfants de Tijuana. Ces luttes contre la drogue sont ainsi montrées comme autant de combats personnels placés sur le même plan (il n’y a pas de héros), dans un même monde.


Film mappemonde, Traffic découpe sa géographie en zones colorées : blanc sépia sale du Mexique, jaune pâle pour la Californie et bleu métallique en Amérique du Nord. L’utilisation de filtres colorés préoccupe Soderbergh depuis déjà plusieurs films : il y a eu recours dans A fleur de peau (Undernearth, 1995) et plus récemment dans L’Anglais (The Limey, 1999). Mais c’est seulement avec Traffic qu’il parvient à dépasser la gratuité de l’effet de style pour en tirer une esthétique (cohérente et signifiante). D’abord parce que les teintes obtenues sont visuellement réussies et s’accordent avec un filmage qui en tire parti (tendance dogma pour le Mexique, plus classique pour l’Amérique). Ensuite parce qu’elles créent d’emblée des atmosphères qui, en n’étant pas tributaires des histoires qui les traversent, imposent leur nécessité.


Le passage d’un univers à l’autre matérialise visuellement les trafics. C’est la circulation automobile (ou aéroportée pour ce qui concerne le juge) qui incarne la littéralité du trafic et le constitue en motif récurrent. La scène d’ouverture est à cet égard emblématique puisqu’elle consiste en un ballet de véhicules en tous genres au cours duquel une cargaison de drogue change trois fois de mains : le désert mexicain frôle l’embouteillage. C’est aussi le cas du poste frontière (filmé sur le mode documentaire, ce qui accentue le réalisme des files de voitures) où se croisent sans se voir, sans se connaître, Javier et Helena. Ce trafic autoroutier est aussi métaphorique : il figure l’entrecroisement des fils narratifs, les liens parfois minuscules qui relient ces trois histoires les unes aux autres. Or si le film survit à son scénario tentaculaire, c’est précisément parce que ses trois lignes narratives ne se recoupent que de façon anecdotique et qu’il tire sa véritable unité de sa mise en scène (et de sa photographie que Soderbergh a réalisée lui-même).


Car c’est au fond un désir cinéphile qui fait tenir le film et qui touche le spectateur et l’on veut croire que ce n’est pas pure coïncidence si le titre se fait l’écho du Trafic de Jacques Tati (1971) et de la revue éponyme.

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